

Le salarié Adecco en contrat d’intérim chez la Société Générale Sécurités Services (SGSS) obtient la requalification en CDI
Les éléments apportés par le salarié Adecco en intérim chez la Société Générale Sécurités Services, à l’appui de ses demandes conduisent à retenir le principe du paiement des salaires auxquels il aurait pu prétendre, soit la somme de 136.898,19 €, déduction faite des revenus qu’il a perçus pendant la même période qui peuvent être fixés à la somme totale de des salaires de l’année 2013 et 22 166,16 euros au titre des salaires perçus durant l’année 2014 jusqu’en septembre inclus) ;
Il sera donc fait droit à sa demande mais à hauteur de la somme de 88.512,39 €.
Société Générale Sécurités Services
avis
Chargé de réconciliation
Société Générale Sécurités Services avis chargé de réconciliation
Le contrat d’intérim Adecco
Le salarié a été engagé par la société Adecco France (la société Adecco ci-après) par contrat de travail temporaire du 1er février au 29 avril 2011 comme ‘chargé de réconciliation’ (tâches de regroupement d’écritures comptables) au bénéfice de la société utilisatrice Société Générale Securities Services Net Asset Value (la société SGSS), contrat qui a été prolongé jusqu’au troisième du 19 septembre au 31 décembre 2011 ;
L’activité de la société Société Générale Securities Services porte sur des services de compensation, gestion, administration de fonds, conservation, notamment, qui sont proposés à des sociétés et institutions financières ;
Monsieur N a été victime d’un accident du travail le 21 décembre 2011 ;
Estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Monsieur N a saisi, le 23 mai 2012, la juridiction prud’homale afin d’obtenir, notamment, la requalification de ses contrats de mission en contrat à durée indéterminée ;
Société Générale Sécurités Services
Prud’hommes
Action aux prud’hommes contre Société Générale Sécurités Services – SGSS
Par jugement du 20 septembre 2013, le conseil de prud’hommes, en sa formation de départage, a :
- débouté Monsieur N de ses demandes à l’encontre de la société SGSS Société Générale Securities Services;
- requalifié les contrats de mission de Monsieur N en un contrat à durée indéterminée avec effet au premier jour de la mission irrégulière, soit à compter du 1er février 2011
- condamné la société Adecco à payer à Monsieur N la somme de 500 euros en réparation du prêt de main d’oeuvre illicite ;
- débouté les parties de leurs autres demandes ;
- condamné la société Adecco à payer à Monsieur N la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Monsieur N a interjeté appel de cette décision.
Société Générale Sécurités Services
Condamnée
Motifs de la décision
Société Générale Sécurités Services condamnée : Motifs de la décision de la cour d’appel
Sur la demande de requalification des contrats d’intérim :
Concernant la demande de requalification à l’égard de la Société Générale Securities Services, société utilisatrice, Monsieur N soutient qu’il occupait en fait un emploi permanent qui a été rompu en raison de son accident du travail ;
Il conteste également les motifs de recours invoqués à l’appui des missions d’intérim qui lui ont été confiées qui sont, selon lui, inexacts ou en tout état de cause, non conformes. Ainsi, les contrats de mission des 12 septembre et 19 septembre 2011 comportent deux motifs de recours et n’indiquent ni le nom ni la qualification du CDI censé entrer l’entreprise, rendant ainsi le motif imprécis en violation de l’article L. 1251-6 du code du travail ;
La Société Générale Securities Services réplique que le contrat de mission du 1er février 2011 renouvelé le 30 avril 2011 puis du 12 au 16 septembre 2011, en remplacement de Mme I au poste de chargé de réconciliation comporte bien ces mentions, que les missions temporaires de Monsieur N pour remplacer Mme L étaient aussi parfaitement justifiées, que la mention ‘remplacement intervenant dans l’attente d’entrée effective du contrat de travail à durée indéterminée’ laissée par erreur par la société de travail temporaire ne vient pas priver le recours de son motif qui a par ailleurs été bien mentionné. Elle ajoute qu’elle a respecté les termes de la loi en ayant recours à Monsieur N en tant que travailleur intérimaire pour remplacer ses deux salariées ;
En effet, la Société Générale Securities Services justifie qu’à compter du 19 septembre 2011, Mme I a été mutée d’un poste de comptable à un poste de chargé de réconciliation au sein de la Société Générale Securities Services et du fait qu’elle s’est trouvée absente du 21 février au 16 septembre 2011 pour un congé parental et ses congés payés. Elle rapporte aussi la preuve de ce que Mme L a bénéficié d’un congé individuel de formation à compter du 19 septembre 2011 et jusqu’au 22 mai 2012 ;
Monsieur N n’est donc pas fondé à soutenir que les missions d’intérim qui lui ont été confiées pour remplacer ces deux salariées ont permis de pourvoir à un emploi permanent, puisqu’il est justifié que l’une d’elles, après une absence prolongée, devait revenir dans la société pour y occuper un nouveau poste et que l’autre se trouvait bien en congé de formation ;
Selon les articles L. 1251-16 et L. 1251-43 du code du travail, le contrat de mission de travail temporaire doit être écrit et comporter le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire ;
Pour le remplacement d’un salarié, cette mention doit comporter le nom et la qualification de la personne remplacée ou à remplacer ;
L’article L. 1251-6 précise qu’il peut être fait recours à un salarié temporaire pour remplacer un salarié notamment en cas d’absence, de passage provisoire à temps partiel, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste, d’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;
L’article L. 1251-40 précise en outre que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L l’entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission ;
En l’espèce, les deux premiers contrats de mission datés du 29 avril 2011 et du 12 septembre 2011 apparaissent tout à fait réguliers en la forme. Ils comportent le motif du recours à un salarié intérimaire (attente d’entrée effective d’un CDI), le nom de la salariée absente (Mme I) et la qualification de la personne remplacée (chargé de réconciliation) ;
Cependant, le motif exposé ne correspond pas à la réalité puisqu’il ne s’agissait pas de pourvoir un poste dans l’attente de l’arrivée effective d’une salariée en CDI, dès lors que Mme I se trouvait déjà en contrat à durée indéterminée pour la Société Générale Securities Services en qualité de comptable et qu’elle devait être affectée à un poste de chargé de réconciliation dans le cadre d’une mutation interne. Par ailleurs, il n’est pas mentionné que l’intéressée était absente pour cause de congé parental. Les motifs invoqués apparaissent par conséquent insuffisamment précis ou peu conformes à la réalité ;
Au surplus, le troisième contrat daté du 12 septembre 2011 comporte un motif de recours à l’intérim tout aussi insuffisamment précis et pour le moins contradictoire à savoir : ‘Remplacement (Attente d’entrée effective d’un CDI). Justification précise : Remplacement d’Elisabeth I en congés payés’. La qualification de la personne remplacée n’est plus mentionnée et le motif de son absence est indéterminé dans la mesure où les deux mentions à ce sujet sont différentes. La société plaide l’erreur matérielle. A supposer que cette erreur soit démontrée, il reste que la qualification de la personne remplacée que le contrat devait mentionner, n’apparaît pas ;
Le contrat établi le 19 septembre 2011 comporte les mêmes irrégularités puisqu’il est rédigé de la façon suivante : ‘Remplacement (Attente d’entrée effective d’un CDI). Justifications précises ;
Remplacement partiel de Barbara L en congé individuel de formation ‘. On retrouve la même imprécision quant au motif de l’absence de la personne remplacée, le remplacement d’une personne attendue dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée ne correspondant pas à la réalité et aucune mention sur sa qualification ne figurant au contrat ;
La demande de requalification à l’égard de la Société Générale Securities Services, société utilisatrice, formée par Monsieur N sur ces fondements ne peut donc qu’être accueillie.
Sur la demande d’indemnité de requalification :
Monsieur N sollicite une indemnité de requalification à hauteur d’un mois de salaire ;
L’article L. 1251-41 alinéa 2 précise que si le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié (de requalification d’un contrat de mission en contrat à durée indéterminée), il lui accorde une indemnité, à la charge de l’entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ;
Il convient de faire droit à la demande de Monsieur N à hauteur de la somme de 3 600 euros ;
Sur la nullité de la rupture et ses conséquences :
La rupture de la relation de travail est intervenue le 31 décembre 2011 au terme du dernier contrat de mission d’intérim. Elle s’analyse en un licenciement du fait de la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée et faute de procédure de licenciement ;
Il est justifié par les pièces produites que Monsieur N s’est trouvé en arrêt de travail ;
L’article L. 1226-9 précise qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur ne peut rompre ce dernier que s’il justifie soit d’une faute grave soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident ou à la maladie (professionnels) ;
Selon l’article L. 1226-13, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-9 et L. 1226-18 est nulle. Dans ce cas, l’employeur est tenu de réintégrer le salarié s’il en fait la demande ;
En l’espèce, le licenciement de Monsieur N est nul.
Monsieur N sollicite la poursuite de son contrat de travail et par conséquent sa réintégration
La cour ne peut que faire droit à sa demande. Cependant, il n’apparaît pas nécessaire d’assortir cette réintégration d’une astreinte ;
Monsieur N demande à percevoir tous les salaires qui auraient dû lui être versés après la rupture de son contrat de travail, le 31 décembre 2011, jusqu’au 15 mars 2015 ;
La Société Générale Securities Services réplique que le code du travail ne prévoit en aucun cas que l’employeur est tenu au versement de rappel de salaires en cas de nullité du licenciement prononcé pendant une période de suspension pour accident du travail et qu’à tout le moins, il convient de déduire des rappels de salaires les revenus perçus par le salarié, c’est à dire les indemnités journalières et les allocations versées par Pôle Emploi ou tout autre revenu perçu ;
Le salarié dont le licenciement est nul, et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d’une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s’est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Il en résulte que doivent être déduits de la réparation du préjudice subi les revenus que le salarié a tirés d’une autre activité et le revenu de remplacement qui lui a été servi pendant cette période ;
Les éléments apportés par Monsieur N à l’appui de ses demandes conduisent à retenir le principe du paiement des salaires auxquels il aurait pu prétendre, soit la somme de 136.898,19 €, déduction faite des revenus qu’il a perçus pendant la même période qui peuvent être fixés à la somme totale de des salaires de l’année 2013 et 22 166,16 euros au titre des salaires perçus durant l’année 2014 jusqu’en septembre inclus) ;
Il sera donc fait droit à sa demande mais à hauteur de la somme de 88.512,39 €.
Sur la demande de dommages et intérêts pour prêt de main d’œuvre illicite :
Monsieur N sollicite des dommages et intérêts au motif que la société utilisatrice et la société de travail temporaire se sont placées en dehors des règles fixées pour le travail temporaire et qu’elles se sont rendues coupables d’un prêt de main d’œuvre illicite. Il allègue qu’il a été remercié sans égard quelques jours après avoir été victime d’un accident du travail alors qu’on lui avait fait miroiter une embauche en contrat à durée indéterminée compte tenu de son haut niveau de compétence ;
La Société Générale Securities Services et la société Adecco font valoir que les dispositions de l’article L. 8241-1 du code du travail ne s’appliquent pas aux sociétés de travail temporaire ;
L’article L. 8241-1 interdit toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d’œuvre ;
Cependant, Monsieur N n’établit pas que son emploi au sein de la Société Générale Securities Services, sur la base de contrats de mission irréguliers en la forme, lui a causé un préjudice ou a permis à la société d’éluder volontairement l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail ;
Il devra donc être débouté de cette demande et le jugement entrepris infirmé sur ce point.
Sur la demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens :
L’équité commande de condamner la Société Générale Securities Services à payer à Monsieur N une indemnité d’un montant de 2 500 euros, pour l’ensemble de la procédure, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. La demande qu’il forme à ce titre à l’encontre de la société Adecco doit être rejetée ;
Aucune considération d’équité ne conduit à condamner Monsieur N à payer à la Société Générale Securities Services et à la société Adecco une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
La Société Générale Securities Services, qui succombe, sera condamnée aux dépens.
Société Générale Sécurités Services
Condamnée
Décision de la cour d’appel
Société Générale Sécurités Services condamnée : Décision de la cour d’appel
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition, et par décision contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié les contrats de mission de Monsieur N en un contrat à durée indéterminée avec effet au 1er février 2011 ;
L’infirme sur le surplus et, statuant à nouveau ;
Dit que la requalification en contrat à durée indéterminée concerne la SA Société Générale Securities Services Net Asset Value ;
Dit que la rupture s’analyse en un licenciement nul ;
En conséquence, ordonne la réintégration de Monsieur N au sein de la SA Société Générale Securities Services Net Asset Value, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu’il y ait lieu de prononcer une astreinte ;
Condamne la SA Société Générale Securities Services Net Asset Value à payer à Monsieur N les sommes suivantes :
- 88.512,39 € à titre d’indemnité pour la période du 1er janvier 2012 au 15 mars 2015
- 3.600,00 € à titre d’indemnité de requalification
Déboute Monsieur N de sa demande d’indemnité au titre du prêt de main d’œuvre illicite;
Dit que les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et les créances salariales à partir de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes ;
Condamne la SA Société Générale Securities Services Net Asset Value à payer à Monsieur N une indemnité totale pour l’ensemble de la procédure d’un montant de 2.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute la SA Société Générale Securities Services Net Asset Value et la société Adecco France de leurs demandes d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;
Condamne la SA Société Générale Securities Services Net Asset Value aux dépens.
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